samedi 19 avril 2008

A propos de ce Blog...

Ce blog a pour objectif d’aborder une question d’actualité touchant le domaine de la comptabilité de management. En effet, comme vous savez peut-être, les enjeux de la comptabilité de management croisent ceux d’autres domaines, notamment le marketing, la gestion environnementale, la gouvernance et la gestion du changement. C’est sur l’idée d’un croisement entre les domaines de la comptabilité de management et de la gouvernance que j’ai choisi d’élaborer ce blog.
Ce dernier se concentrera plus particulièrement sur la place de la comptabilité de management dans l’élaboration d’une bonne gouvernance d’entreprise. Ce blog se veut informatif et doit permettre aux professionnels d’avoir une meilleure vue de la problématique aujourd’hui. Le traitement de ce sujet se fera par la publication de différents billets abordant chacun un aspect particulier.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture.

Qu'est-ce que la gouvernance?

Le terme de gouvernance est défini et entendu aujourd’hui de manière très diverse et parfois contradictoire. Ce mot peut en effet prendre plusieurs sens, mais malgré cela il existe une dynamique commune dans l'usage de ce terme. La plupart du temps lorsque ce terme est employé il se réfère avant tout à un mouvement de « décentrement » de la prise de décision, avec une multiplication des lieux et des acteurs impliqués dans cette décision. Il renvoie à la mise en place de nouveaux modes de régulation plus souples, fondés sur le partenariat entre différents acteurs.

On distingue ainsi deux grands types de gouvernance: la gouvernance d'entreprise pour le secteur privé et la gouvernance politique pour la pensée politique et administrative.

On va s’intéresser ici uniquement au gouvernement d’entreprise ou « corporate governance » en anglais.

Définition :
« Dans une acception large, la gouvernance d'entreprise ou corporate gouvernance représente l'organisation du contrôle et de la gestion de l'entreprise. De façon plus étroite, le terme de gouvernance d'entreprise est utilisé pour désigner l'articulation entre l'actionnaire et la direction de la société, et donc principalement le fonctionnement du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance. » (Vernimmen)

La gouvernance inclut ainsi les relations entre les nombreux acteurs impliqués dans la vie de l’entreprise (les parties prenantes, ou stakeholders) et les objectifs qui la gouvernent.

Les nombreux scandales financiers de ces dernières années ont fait émerger la bonne gouvernance comme un thème fondamental pour les entreprises, cotées ou non, qui veulent asseoir la confiance de leurs actionnaires de plus en plus exigeants, tout en se donnant le maximum de chances d'être performantes sur le long terme.
Ces différents scandales financiers sont donc à l’origine de nouvelles lois comme le Sarbanes-Oxley Act (SOX) aux Etats-Unis ou la Loi sur la Sécurité Financière (LSF) en France - Comparaison des deux lois ici -

Le contrôle de gestion : élément clé de la gouvernance

Le contrôle de gestion a pour mission non pas uniquement de contrôler comme son nom l’indique, mais plutôt de contribuer activement au pilotage global de l'organisation dans une perspective d'amélioration de la performance économique. Il est important de comprendre la place de cette fonction essentielle. Le contrôle de gestion est quelque part un facilitateur de la prise de décision. Il exerce également de part sa position stratégique à la croisée des sources d'information, une forme de surveillance. Un rôle salutaire en ces temps d'incertitudes. Le contrôle de gestion joue donc un rôle clé dans le pilotage d'organisations toujours plus complexes. En charge de la modélisation efficace de la gestion de l'information économique, le contrôle de gestion est vraisemblablement l'organe pivot de l'assistance à la mise en œuvre de la stratégie et du suivi de son efficacité.

Parmi les auteurs majeurs du sujet, on retiendra notamment, Henri Bouquin, qui a publié de nombreux ouvrages sur ce thème.
Pour lui, le contrôle de gestion rempli trois fonctions :
- le contrôle de gestion recouvre des dispositifs d’aide au pilotage et à la délégation (enjeu de « gouvernance »)
- il décalque le modèle économique (« business model ») de l’entreprise pour modéliser les facteurs importants du pilotage dont dépend la performance de l’entreprise
- ce modèle, donc le contrôle de gestion, découle de la stratégie de l’entreprise (boucle stratégie-contrôle).

« Maîtriser le pilotage d'une entreprise, c'est, d'abord, réussir en permanence à "décliner" son modèle économique (business model) et sa stratégie à tous les niveaux de l'organisation. Le contrôle de gestion est l'instrument privilégié de cette déclinaison. » (H. Bouquin)




Selon le modèle développé par Sloan et Brown à la General Motors (1921), le contrôle de gestion peut être modélisé ainsi :



Le contrôle de gestion est donc un élément clé de la gouvernance qu’il convient donc de vérifier afin de voir s’il répond bien aux règles de bonne gouvernance édictées.
Le contrôle de gestion appartient au processus de vérification du « contrôle interne », ce dernier peut être définit ainsi :
« Le contrôle interne est défini globalement comme un processus, mis en œuvre par le conseil d’administration, le management et les autres membres du personnel, conçu pour donner une assurance raisonnable quant à la réalisation des objectifs dans les catégories suivantes :
- l’efficacité et l’efficience des opérations,
- la fiabilité de l’information financière,
- la conformité aux lois et règlements en vigueurs. » (COSO)

Gouvernance d'entreprise et comptabilité

Le rôle de la comptabilité est de produire de l’information sur le processus de création de valeur afin de satisfaire une demande interne et externe. Sur le plan interne, la demande émane principalement des dirigeants ; ils souhaitent pouvoir piloter le processus de création de valeur et disposer d’un outil permettant de trancher les éventuels litiges avec les différentes parties prenantes. Sur le plan externe, l’information comptable doit permettre aux tiers de s’informer sur l’intérêt de la transaction et les risques encourus.

La gouvernance d’entreprise doit donc pouvoir satisfaire aux différentes demandes en gérant la qualité des informations et des données comptables. Il existe deux visions de la gouvernance.

- la vision actionnariale de la gouvernance

La théorie actionnariale de la gouvernance constitue une application de la théorie de l’agence issue notamment des travaux de Jensen et Meckling (1976) et Jensen (1983). Ils définissent une relation d'agence comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour accomplir quelques services en leur nom, impliquant la délégation d'une partie de l'autorité de prise de décision à l'agent. De part sa nature, la relation d'agence pose problème dans la mesure où les intérêts personnels du principal et de l'agent sont divergents.

En application, la théorie de l’agence à peut être résumé ainsi :
- Le principal (stakeholders ou shareholders ?) et l’agent ont des préférences différentes quant aux décisions à prendre,
- Le principal ne peut pas observer l’action du manager, mais seulement le résultat,
- On sait quel est le « bon » résultat (transposition budgétaire),
- Le manager connaît mieux la situation que le principal (asymétrie d’information).

L’objectif de la gouvernance est de minimiser les coûts d’agence. Ces derniers correspondent aux pertes de valeur entraînées par les divergences d’intérêts entre les différentes parties prenantes (actionnaires, dirigeants, salariés, créanciers…) relativement à une situation idéale (rationalité illimitée des agents, perfection des marchés…) pour laquelle ces conflits pourraient se résoudre sans coût.
Ainsi, la théorie de l’agence propose une représentation fonctionnaliste de la gouvernance de la relation d’agence entre actionnaires et dirigeants : le conseil d’administration, le marché financier (via la cotation et les offres publiques) et le marché des dirigeants constitueraient des mécanismes visant à minimiser les coûts d’agence nés de cette relation.

- la vision partenariale de la gouvernance

L’approche actionnariale présente certaines limites puisque certaines réalités comptables sont difficilement explicables avec cette théorie. Par exemple, l’approche actionnariale ne permet pas d’expliquer de façon convaincante la demande d’information comptable légale émanant d’autres parties prenantes que les actionnaires (hypothèse d’efficience informationnelle des marchés). Mais aussi, l’observation du comportement des dirigeants révèle qu’ils portent plus d’intérêt à la comptabilité de gestion (interne) qu’à la comptabilité patrimoniale (externe) destinée aux tiers. L’information issue de la comptabilité de gestion, en raison de son caractère stratégique, est rarement communiquée aux actionnaires, même à ceux faisant partie du conseil d’administration : elle ne sert donc pas un objectif de contrôle.


La théorie partenariale ne rejette pas la théorie actionnariale mais retient une définition large de l’efficience (Milgrom et Roberts, 1992), selon laquelle une organisation est efficiente si elle produit en moyenne de meilleurs résultats pour l’ensemble des parties prenantes. Cette approche conduit à introduire la notion de valeur partenariale (Charreaux et Desbrières, 1998).
La théorie de la gouvernance accordant un rôle central aux principaux dirigeants, l’architecture du système de gouvernance s’explique en modélisant les relations qu’ils entretiennent avec les différentes parties prenantes. En outre, la définition de ce système relativement à l’espace discrétionnaire des dirigeants, c’est-à-dire à la latitude dont ils disposent pour gérer les différents contrats, conduit à centrer les recherches sur le processus de création de valeur partenariale (notamment sur le processus d’investissement) et non sur la seule sécurisation de l’apport de capital financier.

L’intérêt pour la comptabilité interne de gestion

L’approche actionnariale permet difficilement d’expliquer la comptabilité de gestion, dans la mesure où, sauf exception, les actionnaires n’ont pas accès à l’information interne. En revanche, la vision partenariale propose une explication naturelle de la comptabilité de gestion. Cette dernière constitue un outil efficace pour piloter et contrôler la création de valeur partenariale. Le dirigeant l’utilise pour appréhender et gérer sa latitude discrétionnaire ; elle lui permet de savoir où se crée la valeur, comment elle se répartit et quelles sont ses éventuelles marges de manœuvre et comment y-a-t-il la possibilité de répartir différemment la valeur sans compromettre la performance?

Par ailleurs, si la comptabilité externe constitue l’outil informationnel privilégié pour gouverner les relations d’agence avec les partenaires financiers, notamment les créanciers, la comptabilité interne sert davantage la gouvernance des transactions réalisées avec les partenaires industriels et commerciaux ainsi qu’avec les salariés. Seule, elle permet d’apporter des éléments d’information interne permettant de gérer les éventuels conflits d’intérêts, relatifs à la répartition de la valeur créée, liés à ces transactions.

La vision partenariale conduit donc à interpréter la comptabilité de gestion comme l’outil permettant aux dirigeants de gérer l’ensemble des opérations avec les différents partenaires et d’améliorer la gestion. Dans cette perspective, le développement des méthodes de comptabilité par activités représente une innovation susceptible d’améliorer la gestion de la valeur partenariale. Ces méthodes permettraient de mieux représenter le processus de création/répartition de la valeur, en prenant mieux en compte l’interdépendance entre les opérations de création et de répartition.