samedi 19 avril 2008

Gouvernance d'entreprise et comptabilité

Le rôle de la comptabilité est de produire de l’information sur le processus de création de valeur afin de satisfaire une demande interne et externe. Sur le plan interne, la demande émane principalement des dirigeants ; ils souhaitent pouvoir piloter le processus de création de valeur et disposer d’un outil permettant de trancher les éventuels litiges avec les différentes parties prenantes. Sur le plan externe, l’information comptable doit permettre aux tiers de s’informer sur l’intérêt de la transaction et les risques encourus.

La gouvernance d’entreprise doit donc pouvoir satisfaire aux différentes demandes en gérant la qualité des informations et des données comptables. Il existe deux visions de la gouvernance.

- la vision actionnariale de la gouvernance

La théorie actionnariale de la gouvernance constitue une application de la théorie de l’agence issue notamment des travaux de Jensen et Meckling (1976) et Jensen (1983). Ils définissent une relation d'agence comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour accomplir quelques services en leur nom, impliquant la délégation d'une partie de l'autorité de prise de décision à l'agent. De part sa nature, la relation d'agence pose problème dans la mesure où les intérêts personnels du principal et de l'agent sont divergents.

En application, la théorie de l’agence à peut être résumé ainsi :
- Le principal (stakeholders ou shareholders ?) et l’agent ont des préférences différentes quant aux décisions à prendre,
- Le principal ne peut pas observer l’action du manager, mais seulement le résultat,
- On sait quel est le « bon » résultat (transposition budgétaire),
- Le manager connaît mieux la situation que le principal (asymétrie d’information).

L’objectif de la gouvernance est de minimiser les coûts d’agence. Ces derniers correspondent aux pertes de valeur entraînées par les divergences d’intérêts entre les différentes parties prenantes (actionnaires, dirigeants, salariés, créanciers…) relativement à une situation idéale (rationalité illimitée des agents, perfection des marchés…) pour laquelle ces conflits pourraient se résoudre sans coût.
Ainsi, la théorie de l’agence propose une représentation fonctionnaliste de la gouvernance de la relation d’agence entre actionnaires et dirigeants : le conseil d’administration, le marché financier (via la cotation et les offres publiques) et le marché des dirigeants constitueraient des mécanismes visant à minimiser les coûts d’agence nés de cette relation.

- la vision partenariale de la gouvernance

L’approche actionnariale présente certaines limites puisque certaines réalités comptables sont difficilement explicables avec cette théorie. Par exemple, l’approche actionnariale ne permet pas d’expliquer de façon convaincante la demande d’information comptable légale émanant d’autres parties prenantes que les actionnaires (hypothèse d’efficience informationnelle des marchés). Mais aussi, l’observation du comportement des dirigeants révèle qu’ils portent plus d’intérêt à la comptabilité de gestion (interne) qu’à la comptabilité patrimoniale (externe) destinée aux tiers. L’information issue de la comptabilité de gestion, en raison de son caractère stratégique, est rarement communiquée aux actionnaires, même à ceux faisant partie du conseil d’administration : elle ne sert donc pas un objectif de contrôle.


La théorie partenariale ne rejette pas la théorie actionnariale mais retient une définition large de l’efficience (Milgrom et Roberts, 1992), selon laquelle une organisation est efficiente si elle produit en moyenne de meilleurs résultats pour l’ensemble des parties prenantes. Cette approche conduit à introduire la notion de valeur partenariale (Charreaux et Desbrières, 1998).
La théorie de la gouvernance accordant un rôle central aux principaux dirigeants, l’architecture du système de gouvernance s’explique en modélisant les relations qu’ils entretiennent avec les différentes parties prenantes. En outre, la définition de ce système relativement à l’espace discrétionnaire des dirigeants, c’est-à-dire à la latitude dont ils disposent pour gérer les différents contrats, conduit à centrer les recherches sur le processus de création de valeur partenariale (notamment sur le processus d’investissement) et non sur la seule sécurisation de l’apport de capital financier.

L’intérêt pour la comptabilité interne de gestion

L’approche actionnariale permet difficilement d’expliquer la comptabilité de gestion, dans la mesure où, sauf exception, les actionnaires n’ont pas accès à l’information interne. En revanche, la vision partenariale propose une explication naturelle de la comptabilité de gestion. Cette dernière constitue un outil efficace pour piloter et contrôler la création de valeur partenariale. Le dirigeant l’utilise pour appréhender et gérer sa latitude discrétionnaire ; elle lui permet de savoir où se crée la valeur, comment elle se répartit et quelles sont ses éventuelles marges de manœuvre et comment y-a-t-il la possibilité de répartir différemment la valeur sans compromettre la performance?

Par ailleurs, si la comptabilité externe constitue l’outil informationnel privilégié pour gouverner les relations d’agence avec les partenaires financiers, notamment les créanciers, la comptabilité interne sert davantage la gouvernance des transactions réalisées avec les partenaires industriels et commerciaux ainsi qu’avec les salariés. Seule, elle permet d’apporter des éléments d’information interne permettant de gérer les éventuels conflits d’intérêts, relatifs à la répartition de la valeur créée, liés à ces transactions.

La vision partenariale conduit donc à interpréter la comptabilité de gestion comme l’outil permettant aux dirigeants de gérer l’ensemble des opérations avec les différents partenaires et d’améliorer la gestion. Dans cette perspective, le développement des méthodes de comptabilité par activités représente une innovation susceptible d’améliorer la gestion de la valeur partenariale. Ces méthodes permettraient de mieux représenter le processus de création/répartition de la valeur, en prenant mieux en compte l’interdépendance entre les opérations de création et de répartition.

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